LE BILLET DU DIMANCHE SOIR
12 février 2012
LE BRUIT ET LA FUREUR
« Il » a prononcé le mot « valeurs ». A voir le bruit et la fureur médiatique que cela a déclenché, il faut croire que c’est un gros mot. Les condamnations pleuvent comme les obus à Gravelotte. D’aucun n’a de mots assez durs pour condamner le propos, la « droitisation », autre gros mot. De quelles valeurs s’agit-il au fait ?
Assez de caricatures !
Concernant les propos de Claude Guéant sur « les civilisations », Ivan Rioufol, dans le Figaro a bien expliqué ce qu’il fallait en penser : « il est urgent de résister à la police de la pensée… Cette autoflagellation systématique fait perdre à l’Europe universaliste ses défenses naturelles : un écueil que Guéant pointe du doigt… C’est le multiculturalisme pour qui tout se vaut, mais qui est vécu comme une agression par une partie du peuple, que défend cette gauche qui perd pied…. Dans la confusion intellectuelle qu’impose le politiquement correct, le racisme est devenu le critère d’évaluation du moindre discours s’écartant de l’impératif égalitaire… ». Ces quelques passages vont à l’essentiel. Rappeler nos valeurs et les points de repères de notre civilisation ce n’est pas courir après les voix du Front National, c’est donner des raisons à notre peuple tenté par le populisme de ne pas tomber dedans.
J’ai lu et relu l’interview de Nicolas Sarkozy dans le Figaro Magazine. J’ai cherché ce qui pouvait justifier la colère de François Bayrou. Je n’ai pas trouvé ! Je me sens pourtant toujours autant de centre-droit comme au temps où j’étais un cadre de l’UDF. Je retrouve dans les propos du chef de l’Etat ce pour quoi je me suis toujours battu, sous Giscard ou aux côtés de Léotard, puis de Bayrou lui-même dans la « nouvelle UDF » avant de participer à la création de l’UMP. Il n’y a pas de « droitisation », il y a la permanence de valeurs auxquelles beaucoup comme moi restent attachés. Et l’approche des problèmes évoqués est toujours la même. Alors il faut arrêter les procès en sorcellerie. A force de taper sur Hollande, François Bayrou a reculé dans les sondages. Mais s’il espère se refaire en tapant sur Sarko, il en sera pour ses frais.
Travail, responsabilité, autorité...
Droitisation de considérer que les trois valeurs qui guident son action sont le travail, la responsabilité et l’autorité ? « Tout ce qui peut alléger le coût du travail, récompenser l’effort, le mérite, faire la différence avec l’assistanat, doit continuer à être mis en œuvre de façon systématique » : j’adhère totalement et depuis toujours. Cette approche a commencé sous Stoléru ! « La responsabilité. C’est elle qui donne son sens à la liberté... ». « L’autorité : aucun système ne peut fonctionner sans respect des institutions, des règles, de la famille, des parents, de la personne humaine… ». Voilà un triptyque dans lequel tout bon républicain et démocrate peut se reconnaître.
Droitisation de proposer la création d’un nouveau système « dans lequel l’indemnisation ne sera pas une allocation que l’on touche passivement, mais la rémunération que le service public de l’emploi versera à chaque demandeur d’emploi en contrepartie de la formation qu’il devra suivre » ? Avec évidemment l’obligation d’accepter la première offre d’emploi correspondant au métier choisi au terme de la formation. Ce n’est pas s’attaquer aux plus fragiles comme l’affirme avec légèreté François Hollande, c’est au contraire mieux les aider en réformant un dispositif qui n’est capable d’offrir une formation qu’à moins de 10% des demandeurs d’emplois alors que 75% des demandes ne sont pas satisfaites !!! Et cela devrait s’accompagner d’une réforme de la formation professionnelle dont on sait que les 30 milliards d’euros qui lui sont consacrés annuellement ne sont pas utilisés au mieux, c’est le moins qu’on puisse dire. Quant au « scandale » de recourir à un referendum pour y parvenir, il ne faut pas escamoter la parole du Président : ce ne serait le cas que si les partenaires sociaux échouaient ou les obstacles catégoriels s’avéraient trop puissants. Sage menace, connaissant les « intérêts financiers » qu’une telle réforme bouscule. Dans un contexte où il faut réduire forcément la voilure de « l’assistanat », il importe que l’on se préoccupe que chaque denier soit bien dépensé.
Droitisation que de constater que les effectifs de fonctionnaires territoriaux des Régions, hors nouvelles compétences, ont augmenté de 173% et ceux des intercommunalités de 177%, faisant augmenter les effectifs des collectivités territoriales de 430 000 entre 1998 et 2009 ? Le fait est que la plupart des collectivités en question sont entre les mains de la gauche. Comment croire Jean-Marc Ayrault quand il dit qu’elles ne sont pour rien dans l’augmentation de la dette ?
Droitisation que de défendre le principe du « quotient familial » ? « C’est une grande erreur que de confondre la politique familiale et la politique de redistribution. » En effet, il y en a suffisamment avec l’impôt sur le revenu, la CSG, les prestations sociales.
Faire reculer la xénophobie aussi bien que le communautarisme.
On a le droit de ne pas partager sa position sur le mariage des homosexuels, auquel il n’est pas favorable, tout en reconnaissant ce qui a déjà été fait : leur garantir les mêmes avantages en termes de succession et de fiscalité qu’aux couples mariés, mais dans le cadre du pacs. Pas de quoi hurler, l'essentiel a été fait !
Quant au passage sur l’identité nationale, on peut le résumer avec le passage suivant : « La France restera une terre d’accueil, c’est conforme à sa tradition, mais elle n’acceptera pas qu’on impose à la République des comportements absolument contraire à ses valeurs. » On est bien d’accord, ce sont ceux qui arrivent qui doivent assimiler nos règles, ce n’est pas à la République de s’adapter, surtout que la France a fait dans ces dernières années, beaucoup d’efforts pour créer des lieux de cultes de façon que chacun se sente considéré. Je partage aussi son point de vue sur le vote des étrangers qu’il ne faut pas instituer, même limité aux élections locales. En tout cas, pas tant que le communautarisme n’aura pas reculé. Sinon, c’est prendre le risque d’avoir des débats du type « cantines halal » et « piscines sexuées » dans certains conseils municipaux.
Accuser Nicolas Sarkozy de vouloir faire campagne « à droite-toute », c’est commode, mais ce n’est pas la réalité.
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