UNE PRIME POUR BOUSCULER
04 mai 2011
Le pouvoir d’achat s’impose une nouvelle fois comme le chantier prioritaire du gouvernement, et constituera probablement l’un des enjeux majeurs de l’élection présidentielle. Le choc de l’inflation sur les produits de première nécessité et sur l’énergie ne pouvait que fournir l’occasion au Président de la République de prendre l’initiative sur ce front, les syndicats étant plus préoccupés d’embrayer des actions revendicatives sur les salaires dans les entreprises que de s’intéresser comme il leur avait été demandé à des négociations avec le patronat sur le partage de la valeur ajoutée.
De ce point de vue, la prime de 1000€ aux contours encore mal définis, a au moins le mérite de faire bouger les lignes. Bien sûr, syndicats comme patronat protestent, et ils n’ont pas tort sur le fond, contre l’ingérence de l’Etat dont ce n’est a priori pas le rôle d’intervenir dans la gestion des entreprises. D’autant plus quand celui-ci capte l’essentiel de la valeur ajoutée puisque les dépenses publiques représentent cette année plus de 56% de la richesse nationale, qui est produite pour l’essentiel par… les entreprises !
Les entreprises de plus de 50 salariés devront donc verser une prime dès lors qu’elles affichent des dividendes en hausse à leurs actionnaires. C’est une disposition qui n’est pas sans effets pervers qu’on aura sûrement mesurés à l’Elysée. Il y a gros à parier que les très grandes entreprises augmenteront un peu moins leurs salariés pour leur verser la prime défiscalisée, et les petites auront bien du mal à faire le minimum. Car il n’y a pas de trésor caché. Les géants du CAC 40 sont un miroir déformant et leurs profits, réalisés pour l’essentiel à l’étranger, sont une goutte d’eau dans le chiffre d’affaire mondial.
De fait, c’est le genre de décision qui vient percuter à revers et de plein fouet le discours sur la croissance des PME qui ont déjà bien du mal à trouver des actionnaires. Ce qui est à craindre, c’est que son application génère une multitude de cas particuliers tant on s’adresse ici à un univers complexe.
Nicolas Sarkozy a toujours au moins un mérite : il est persévérant et a de la suite dans les idées. Quand il a le sentiment qu’un chantier n’avance pas, il prend l’initiative, avec les risques qui s’ensuivent. Il est pourtant déjà le Président du pouvoir d’achat, ce que les Français n’ont pas encore perçu. En effet, et les chiffres en attestent, le pouvoir d’achat des salariés a été maintenu malgré la crise. Certes, ce n’est pas suffisant, mais c’est déjà beaucoup. Il suffit de regarder autour de nous en Europe. Il lui faut maintenant être le Président de «l’augmentation» du pouvoir d’achat. Dans un contexte rendu compliqué par le retour de l’inflation.
Si le pouvoir d’achat en France est bas, ce n’est pas parce qu’une part trop faible de la valeur ajoutée va à la rémunération du travail, mais qu’une part trop faible de cette rémunération va aux salaires directs. La part de charges sociales que paie les chefs d’entreprises constituent un salaire différé, ce dont aucun Français ne s’aperçoit vraiment. Mais force est de reconnaître que sur le partage de la valeur ajoutée, les partenaires sociaux n’ont rien fait et sont complices de la situation actuelle. Ils devaient se retrouver le 26 avril pour en débattre … comme par hasard.
La vraie clé du pouvoir d’achat, nul ne doit en douter, c’est encore et toujours la croissance. Justement elle revient !
La prime est un non sens économique, mais politiquement elle n’en manque pas... de sens !
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