OBAMA BLUES
08 novembre 2010
Il n’est pas inhabituel aux Etats-Unis de voir un président perdre sa majorité lors des élections de mi-mandat. Ronald Reagan, Bill Clinton et bien d’autres en ont fait l’expérience deux ans après une élection confortable.
Héritier de deux guerres étrangères et d’une situation financière catastrophique, confronté à une tempête économique sans précédent, Barak Obama ne pouvait pas faire de miracles dans un délai si court. De même que les espoirs suscités par son élection étaient tout aussi démesurés que le sont les commentaires qui jettent aujourd’hui le « bébé Obama » avec l’eau du bain des « mid-term ».
Les raisons de cette défaite ont été amplement évoquées avant même de connaître le résultat sorti des urnes : la crise économique et financière et la poussée d’un chômage irréductible qui se maintient à 10% en sont les principaux facteurs. Mais l’activisme forcené de très puissants lobbies hostiles à la réforme de Wall Street et à celle de la santé conjugué avec la contestation virulente du Tea Party ancrée dans l’intolérance quand ce n’est pas l’obscurantisme et qui expriment une aversion pour tout ce que le président représente ont contribué à mobiliser un électorat conservateur. Alors que de l’autre côté, c’est la démobilisation de la classe moyenne et des pauvres inquiets de ne pas voir la lumière au bout du tunnel. Les principaux soutiens du président : les jeunes, les noirs, les femmes ont manqué à l’appel et permis la victoire républicaine notamment à la Chambre des Représentants.
Le président a aussi sa part personnelle de responsabilité : il est apparu trop souvent comme un intellectuel froid et distant, en tout cas loin des préoccupations de ses concitoyens en difficultés ; il passe aussi pour hostile aux milieux d’affaires, moteur de l’économie du pays. Sa faiblesse aura été de se présenter comme l’homme du rassemblement et de ne pas avoir combattu le parti républicain, ravi de l’aubaine. Sa défaite électorale ne récompense pas la patience, le temps consacré à la persuasion, le respect affiché pour les adversaires les plus déterminés, le calme olympien face aux pires calomnies, le choix du compromis pour faire voter ses réformes. Et il n’est pas resté inerte. Son bilan est loin d’être anecdotique.
Et maintenant ? Une cohabitation houleuse est l’hypothèse la plus plausible. Le futur « speaker » républicain John A. Boehner et le chef de la minorité républicaine au Sénat Mitch Mac Coennell ont adopté d’emblée un ton belligérant en annonçant leur intention de réduire fortement le rôle et les dépenses de l’Etat et de revenir sur la réforme du système de santé. Autant dire que nombre de réformes ne verront pas le jour et que l’acte II de la présidence va être dorénavant et dès maintenant tourné vers la campagne de 2012. Cette cohabitation à la sauce américaine va ressembler à une situation de blocage et de paralysie de l’action législative aux Etats-Unis.
Le président a quelques moyens et atouts dans son jeu et il se révélera peut-être davantage dans l’adversité. D’autant plus que chez ses adversaires, le Tea Party, composé de personnalités ignares, farfelues, excessives et intransigeantes, complique plus qu’il ne simplifie la tâche des Républicains dont le parti connaît déjà des tensions. Le paradoxe, c’est qu’en créant une situation de blocage qui rend pratiquement nulle la possibilité de faire passer des lois ambitieuses comme sur le climat ou l’immigration, ils permettent au président de prendre du temps pour faire campagne, un exercice dans lequel il excelle.
Voilà deux années passionnantes qui s’annoncent. Avec en corollaire beaucoup de temps perdu pour le progrès des Etats-Unis, progrès bien difficile à trouver dans les thèses, l’intolérance et les anathèmes des « tea-partistes ».
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