LA CARTE POSTALE.
Le clin d’œil indispensable que le vacancier fait à sa
famille et à ses connaissances passe invariablement par l’envoi d‘une carte
postale. Elle est LE signe « extérieur » de villégiature que notre
époque impose, non pas pour donner du travail aux postiers qui en ont de moins
en moins –en ce sens, c’est faire preuve de charité-, mais pour marquer
que le temps de repos dont les Français sont les recordmen a bien été utilisé. Elle
répond à la question « alors, vous partez ? » qui revient chaque
fois que des congés s’annoncent, mais surtout au moment des sacro-saintes vacances
d’été. Même nos élites n’y échappent pas.
Des cartes postales, il y en a de toutes sortes. Les plus
courantes et les plus utilisées sont celles que je classerais comme « descriptives » :
le monument typique, la vue aérienne, la « polyvues » miniatures, indiquent
d’entrée de jeu le lieu où vous avez séjourné. Elles sont agrémentées parfois d’un
slogan vantard, mais elles portent toujours le nom de la ville ou de la région,
pour qu’on ne se trompe pas. Comme certains les trouvent un peu ringardes ou
conventionnelles, les présentoirs ne manquent pas de ressources : vous
pourrez opter pour les pin-up dénudées assorties d’un commentaire graveleux,
pour l’humoristique avec trou qui évite de trop écrire, ou pour la « sophistiquée »
qui vous présente la mer avec un cadre translucide qui contient du vrai sable
local, à regarder dans le bon sens évidemment. Les accrocs de la gastronomie
vous enverront une recette du coin et les poètes un texte vaguement pompier
écrit par un plumitif qui vante les charmes de son terroir. Il faut vraiment être
coincé du bulbe pour ne pas en trouver une qui vous convienne.
Le problème des cartes postales, c’est qu’il faut écrire au
dos et qu’elles s’envoient, en général, nues. Donc on se fend généralement d’un
texte qui est à la littérature ce que le taliban est à la tolérance religieuse.
D’ailleurs le seul fait d’envoyer la carte se suffit à lui-même. Mais puisqu’il
y a un espace, il faut bien le remplir. Un se dévouera et toutes les signatures
concluront, soulagées de ne pas avoir à faire la besogne. « Coucou » est un bon début. « On a un temps d’enfer », c’est le
pied de nez obligatoire à ceux qui sont restés dans les brumes et les nuages
septentrionaux. C’est généralement suivi de « on
se dore la pilule » ou « on
en profite à bloc », nouveau pied de nez à ceux qui continuent à
bosser. Indispensable pour la sérénité vacancière. On se demande d’ailleurs
pourquoi personne n’a encore pensé à proposer des cartes postales recto-verso prêtes
à envoyer, sur lesquelles il n’y aurait plus qu’à signer et à mettre le
destinataire…
La carte postale indique que vous avez pris du bon temps
hors de chez vous. Elle a l’immense avantage de ne pas indiquer combien de
temps vous êtes parti. Le plus souvent elle est un signe d’amitié que le temps
de repos permet de mettre à profit. Elle peut être aussi un signe extérieur de
vanité : voyez, je suis allé à tel endroit, ou très loin, … Les Français
sont attachés à l’égalité, dit-on, mais chaque fois qu’ils peuvent s’en
affranchir, ils ne ratent pas l’occasion. La carte postale, à cet égard est une
insulte aux 45% de Français qui (soi-disant) ne « partent pas ». Zut !
V’la que je parle comme Martine. Et pourtant je ne suis pas en Aubriété !
Commentaires