BIOETHIQUE
26 juin 2009
Paul JEANNETEAU, député de la 1ère circonscription de Maine-et-Loire, est membre de la « Mission d’information sur la révision de la Loi de bioéthique ». Parmi les 30 députés qui la composent autour d’un président et d’un vice-président, il est l’un des 4 qui ont suivi le plus assidûment la soixantaine d’auditions.
Interview exclusive pour le
bloc-notes.
DH.
"Les questions soulevées par les progrès scientifiques et techniques ont
alimenté le débat public qui a abouti en 1994 au vote de trois lois de
bioéthique. Afin que l'équilibre trouvé n'entrave pas la dynamique de la
recherche, le législateur a alors inscrit, dans la loi relative au
don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance
médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, le
principe de sa révision au bout de 5 ans. Son article 21 stipule : « la
présente loi fera l’objet….d’un nouvel examen par le parlement dans un délai
maximum de 5 ans après son entrée en vigueur ». On peut supposer,
également, que le législateur craignait d'être dépassé par les progrès
technologiques et scientifiques."
DH. Qu'en est-il du
statut des enfants nés par mères porteuses à leur retour en France?
"Actuellement,
le père peut reconnaître l'enfant, à sa naissance. Par conséquent, il
devient juridiquement le père de
l'enfant, dans tous ses droits. En revanche, la femme qui reçoit cet enfant ne
peut pas être reconnue comme mère puisque le droit stipule que la mère est la
femme qui accouche. La femme qui a recouru à une gestation pour autrui à
l'étranger n'a aucun statut parental donc aucune autorité parentale.
Pour ma part, je pense que si l'on reconnaît juridiquement
la femme qui accueille l'enfant comme sa mère légale, alors, implicitement, la
gestation pour autrui est reconnue. La solution serait sans doute de conférer à
cette femme une délégation d'autorité parentale, au terme d’un jugement rendu
par le juge aux affaires familiales, comme le permet la loi du 4 mars 2002, relative
à l'autorité parentale. Cela permettrait de régler les problèmes de la vie
quotidienne sans pour autant procéder à une adoption pleine et entière."
DH. Quels sont les gardes
fous qui vous paraissent absolument nécessaires
à opposer aux prouesses scientifiques?
"Il
me semble qu'il ne faut pas déroger aux principes consacrés par la loi de 1994,
à savoir le respect de la dignité de la personne, l'anonymat et la gratuité des
dons, quels qu'ils soient, l'indisponibilité du corps humain, c'est-à-dire
l'interdiction de sa marchandisation. Il faut affirmer clairement que le corps
humain n’est pas une propriété, ce n’est pas un instrument ou un moyen pour
autrui. Le corps humain ne peut être aliéné c'est-à-dire ni donné ni vendu.
Par ailleurs, il me semble très important que le législateur
ne traite pas ces questions de bioéthique de façon compassionnelle, ce qui pourrait
être très dangereux, mais, bien évidemment, avec profondément d’humanisme.
Les progrès des sciences de la vie, posent des questions
éthiques et morales. Afin d'éclairer les chercheurs, les médecins, les patients
et plus généralement notre société, la loi de 1994
- du Comité Consultatif National
d'Ethique qui émet des avis sur les différents dossiers qui lui sont soumis,
- et de l'Agence de Biomédecine qui
valide ou non et contrôle la mise en oeuvre des protocoles de recherche."
DH. Quelles limites fixer aux
recherches sur l'embryon?
"Il serait plus exact de parler de
recherche sur les cellules souches embryonnaires. Les recherches se font sur
des embryons au stade de blastocyte, c'est-à-dire lorsqu’ils sont composés de 6
à 8 cellules.
Je pense qu'il ne faut pas créer d'embryons pour la
recherche. Les techniques d'aide à la procréation doivent rester dans le champ
de la thérapie, et cela d'autant plus que des milliers d'embryons surnuméraires
sont détruits, faute de projet parental. Il me semble plus judicieux de
réaliser les recherches sur ces embryons, aujourd’hui voués à la destruction.
Ne faut-il pas, d'ailleurs, se demander où se situe la
transgression? Est-elle dans la recherche sur des cellules souches
embryonnaires provenant d'embryons congelés ou dans la congélation même
d'embryons?
Aujourd’hui, les chercheurs prélèvent une seule cellule dans
un blastocyte qui en contient huit et bien sûr en aucun cas cet embryon n’est
réimplanté dans l’utérus de la mère.
Je comprends que cela puisse poser des problèmes éthiques,
mais l’interdiction absolue de recherche sur les cellules souches me semblerait
surprenante dans notre pays qui autorise l'avortement jusqu'à 12 semaines.
Dans la prochaine loi de bioéthique, à mon avis, il faudrait
maintenir le principe de l'interdiction de procéder à des recherches sur les
cellules souches embryonnaires, en maintenant un système dérogatoire, les
recherches permises devant avoir une finalité médicale.
Dans le domaine de l'aide médicale à la procréation, il est
souhaitable de développer la recherche afin de limiter au maximum la création
d'embryons surnuméraires. La technique de la vitrification des ovocytes est une
voie qui semble porteuse d’espoir. Cela consiste en une congélation ultrarapide
des ovocytes qui peuvent être ainsi conservé pour une utilisation future.
Différentes équipes utilisent, d’ores et déjà, cette technique avec des
résultats très intéressants."
DH. Faut-il séparer acte sexuel et procréation?
"La
loi du 6 août 2004 (art. 24) stipule que l'assistance médicale à la procréation
a pour objet de remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été
médicalement diagnostiqué. Elle est
réservée aux couples mariés ou vivant ensemble depuis au moins deux ans et en
âge de procréer. Le couple doit être constitué d'un homme et d'une femme, cette
dernière devant être âgée de moins de 43
ans.
L'AMP doit rester dans le champ thérapeutique, c'est-à-dire
soigner la stérilité d'un couple ou éviter la transmission à l’enfant ou à un
membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité.
Je ne suis donc pas favorable à l'ouverture, aux couples
homosexuels, de l'aide médicale à la procréation (AMP), d’autant plus qu’à mes
yeux, pour se construire l’enfant a besoin de se confronter à l’altérité. Je ne
suis pas favorable, également, au transfert d’embryon post-mortem : les
limites de la procréation médicale assistée doivent être les limites de la vie.
Il faut être vigilant à ce que n'émerge pas un droit à
l'enfant mais veiller aux droits de l’enfant à naître. C’est aussi cela la
responsabilité du législateur."
DH. Quels
principes intangibles pourraient servir de socle au droit, évitant ainsi la
course permanente entre les lois et le
progrès scientifique?
"Au fur et à mesure que la science
progresse, les lois de bioéthique ne peuvent évoluer, constamment, vers un
élargissement de la permissivité. Leur rôle est de stipuler ce qui est interdit
plus encore que ce qui est permis, elles doivent fixer un cadre, en définissant
un certain nombre de principes fondamentaux : gratuité, anonymat, non
commercialisation du corps humain, dignité de la personne.
En s’appuyant sur les valeurs qui fondent notre société
française, sur ce qui constitue notre vivre
ensemble, les lois de bioéthique doivent être la traduction, par le législateur,
d’un consensus sociétal."
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