VOYAGE MEMORIAL
27 octobre 2017
Je m’étais promis un jour de me rendre sur la tombe d’un oncle tombé lors de la guerre de 1914-1918, dont j’avais retrouvé l’emplacement grâce au travail minutieux des services du ministère des Armées. Cet oncle a été tué le 2 juin 1917 et j’avais prévu d’aller sur place commémorer le centenaire de sa disparition. Mais la nécropole d’Aubérive, près de Reims, où il a été enterré faisait l’objet d’importants travaux de restauration qui en interdisait l’accès. Comme je souhaitais m’y rendre avant la fin 2017, c’est donc lundi dernier que ce vœu a pu se réaliser.
Gabriel, Eugène, Alfred Houlle, né en 1894, était le frère ainé de mon père. Jeune instituteur, mort à 23 ans, il n’eut guère le temps d’enseigner. Tout ce que je sais de lui, c’est que mon père lui vouait une grande admiration. Etre instituteur, au début du 20ème siècle, ça n’était pas rien !
« Mortellement blessé le 27 mai 1917, par une grenade à ailettes alors qu’il assurait la protection de travailleurs à proximité de l’ennemi à Moronvilliers, au nord-est de Reims. Il appartenait à la 124ème division d’infanterie, avec le grade de sous-lieutenant. Il a été cité à l’ordre de sa division : sous-officier d’un très grand courage vigoureux et plein d’entrain. Volontaire pour toutes les missions difficiles. Le 1er juin 1916 s’est offert spontanément pour porter un renseignement au colonel commandant le régiment sous un effroyable bombardement, circulant de jour sur un terrain découvert battu par les mitrailleuses ennemies. A accompli sa mission dans le minimum de temps. »
Par arrêté du 30 mai 1920, il a été décoré de la « Légion d’honneur » à titre posthume.
Je lui dédie ces quelques vers de « l’hymne » de Victor Hugo :
« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
Toute gloire près d'eux passe et tombe éphémère ;
Et, comme ferait une mère,
La voix d'un peuple entier les berce en leur tombeau !
Gloire à notre France éternelle !
Gloire à ceux qui sont morts pour elle !
Aux martyrs ! aux vaillants ! aux forts !
À ceux qu'enflamme leur exemple,
Qui veulent place dans le temple,
Et qui mourront comme ils sont morts ! …»
Il avait laissé un texte écrit de sa main que mon père conservait précieusement. Ce texte, symboliquement, je l’ai déclamé devant la croix qui porte son nom. Il rend bien compte de l’état d’esprit qui animait les Français. Je l’avais déjà publié sur le bloc-notes en novembre 2008. Il est un peu long, mais je vous le propose ci-dessous à nouveau.
En sa mémoire.
« Sous les ordres du sanguinaire empereur
Les troupes allemandes s’apprêtent aux combats
L’entrain manque car les boches ont peur
Des coeurs ennemis qui eux sont de vrais soldats
Guillaume parle à sa troupe amollie
Voulant en cela aussi singer Napoléon
Soldats ! leur crie-t-il, partons, notre ennemie
Nous attaque, que chacun se batte comme un lion
Sus à la France, Sus à l’Angleterre
Sus à la Russie, que rien ne vous arrête
Qui donc sera le maître sur la terre
Si la grande Allemagne ne peut lever la tête
La campagne sera belle et Paris
Verra dans ses murs avant le mois prochain
L’empereur Guillaume avec tous ses amis
Célébrer la victoire Boulevard Saint-Germain
Allez ! soldats, la Belgique impatiente
Vous attend pour la libérer de ces maudits
De ces damnés, de ces vaches. Elle tente
Mais en vain de repousser ses ennemis
Liège vous tend les bras. Namur vous recevra
En fête et à Bruxelles je m’installerai
Car ce pays ami désormais s’appellera
Province prussienne ; pour elle je choisirai
Un gouverneur parmi les grands de ma cour
Puis nous irons tout droit jusqu’à Paris
Et la France paiera tous les frais. A ce jour
Nous prendrons du repos dans la joie et le ris
La fière Albion, la patrie perdue
Londres sera accusée après quelques jours
Elle comptait sur la France : la France s’est abattue
Elle appelle Nicolas à son secours
Mais avant qu’il ne soit prêt à marcher contre nous
Avant que le premier cosaque ait franchi
La frontière ne craignant rien derrière nous
Nous quitterons Bruxelles, Londres et puis Paris
Pour voler à Petersbourg et puis à Moscou
Maître absolu de l’Europe entière
J’aurais enfin atteint le rêve de nos aïeux
L’Allemagne par-dessus toute la terre
Frémira aux récits de vos exploits glorieux.
Ainsi parla Guillaume dans sa démence
Soumettre l’Europe ! Quel but ? ne sait-il pas
Qu’il en coûte à un empereur de France
D’avoir fait parcourir l’Europe à ses soldats.
Entendant les fières paroles de leur kaiser
Les lourds soldats allemands, cavaliers ou fantassins
Crurent que déjà ils tenaient la victoire
Ils se voyaient en Champagne, buvant le vin.
Liège tint bon, Namur résista. Ah ! tremblez
Ulhans, lanciers, fantassins, hussards de la mort
Tremblez, vous êtes trompés ! Le peuple français
Debout vous attend conscient, calme et fort.
Là-bas les Anglais viennent à la rescousse
Tandis que déjà les russes arrivent à Berlin
Tremblez ! Vous allez sentir la secousse
Des peuples dressés pour la défense de leur bien.
Les lâches ont peur de la mort et de la mitraille
Comment arrêter les balles meurtrières
Oh ! ils prennent tout : vieillards, hommes, marmailles,
Et ils les offrent aux fusils de leurs frères.
Est-ce là une guerre, dis-moi, Guillaume
Est-ce ainsi que tu te venges de ces gens
Qui refusent de t’obéir ? Es-tu homme
Ou bourreau ? Tu n’es pas empereur mais tyran.
Honte à toi qui a déchaîné cette guerre
Honte à toi pour qui le sang humain n’est rien
Honte à toi qui sème partout la misère
Honte, honte à toi Guillaume le vaurien…
Gabriel HOULLE
Instituteur de la République
Sous-lieutenant au 101ème régiment d’infanterie, 10ème compagnie
Mort pour la France le 27 mai 1917 à Moronvilliers (Marne)
Chevalier de la Légion d’Honneur
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