REVERIE SOUS LES ETOILES
13 septembre 2016
Qui n’a pas pris un 4x4 pour monter dans la montagne corse en faisant un bout de piste, ne connait pas la Corse.
Il est des endroits de l’île de beauté qui se méritent.
Donc, nous voilà en route, avec nos amis, pour Tova. Au programme : une nuit dans une bergerie en altitude. Nous avons entassé dans le coffre tout le matériel pour le bivouac : victuailles, matelats gonflables et tout le nécessaire. Les voitures grimpent lentement sur une piste cahoteuse au milieu des pins laricio. Déjà le spectacle de la forêt et de ses fûts allongés en traits parallèles serrés dans lesquels joue la lumière du soleil nous ravit. La progression est lente et il faut une bonne heure et demie de montée en lacets successifs pour parcourir les 20 km qui nous séparent du but. A chaque trouée, c’est une vue vertigineuse sur la montagne et au loin la mer.
Et soudain, nous sortons des bois pour déboucher sur un petit plateau à l’herbe rase, en pente douce vers l’est, dans un écrin de roches abruptes. Instant magique : une petite chapelle est posée en contrebas, au pied d’un amas rocheux, dominée par une grande croix, et un peu plus haut, tapies dans un repli du terrain qui les abrite, deux bâtisses nous promettent le couvert pour la nuit. Entre deux versants, on aperçoit au loin, en contrebas, le bleu de la mer Tyrrhénienne et on discerne nettement les contours blancs du port de Solenzara.
Tout autour, les cimes de la montagne corse rivalisent de pics et d’aiguilles pour le plus grand plaisir de nos yeux, pas assez grands pour absorber toute la beauté du site, que la silhouette majestueuse d’un pin pimente ici et là. La chapelle est bien entretenue car le lieu fait l’objet d’une sorte de pèlerinage tous les ans au début du mois d’août, avec une messe en plein air.
La soirée est festive, comme il se doit. Point de feu, évidemment. Sécurité oblige. Mais le jour perdure suffisamment longtemps pour nous permettre de passer la soirée, jusqu’à l’extinction des feux.
4 heures du matin.
Nous sortons avec nos amis pour un besoin impérieux. La température est douce. Et là, c’est l’extase : au-dessus de nous la voute céleste d’un noir d’encre nous offre le spectacle grandiose de milliards d’étoiles brillantes comme rarement. Nous sommes à 1300 m, l’air est pur et transparent, et aucune pollution lumineuse ne vient parasiter leur luminescence, sauf une vague lueur au sud, Porto-Vecchio, peut-être. Quel magicien a planté tous ces leds poussés à leur puissance maximale ? Nous restons un moment, béats, assis côte-à-côte, sur le banc de pierre devant la cabane, à admirer le ciel. Au-dessus de nous, la voie lactée nous offre la densité de ses amas d’étoiles, en une traînée étincelante presque irréelle. On a l’impression qu’on pourrait les toucher. Nous cherchons évidemment la grande ourse qu’on ne tarde pas à reconnaître. Mais quels noms mettre sur toutes ces figures géométriques qui quadrillent l’espace… C’est alors qu’on se sent tout petit. L’univers a vite fait de remettre l’être humain à sa place. Rarement, son immensité devient autant perceptible. Cuisant constat pour celui qui prétend dominer le monde. : « Même pas mal ! » semble lui dire le ciel étoilé. Et comme Jean d’Ormesson, on en arrive à se poser la question : « Mais qu’est-ce qu’on fait là ? ». Oui, vraiment, « C’est une chose étrange à la fin que le monde ! » (encore d'Ormesson). C’est toujours la même chose dès qu’on est dépassé et que le rationnel nous échappe. On a besoin de réponses : cet univers sort bien de quelque chose. Il y a Dieu peut-être ou sûrement. On comprend alors le pourquoi de la chapelle, là, à cet endroit. On imagine la petite tentative humaine de se rapprocher de la réponse. Elle n’assouvit pas le grand questionnement, ne résout pas le grand mystère de la création. Mais d’où vient alors ce sentiment d’apaisement, de plénitude. On se sent comblé, rassasié. Effet « kisscool » de la splendeur de l’espace qui nous entoure et qui rend si dérisoire les querelles que nous vivons ? On devrait obliger les hommes politiques à faire des stages « bergeries »…
En attendant, que le ciel est beau !
Tout à l’heure, nous nous sommes promis d’assister au lever du soleil, en face de nous à l’est. Il est temps de s’arracher à ce spectacle captivant pour profiter de la douce tiédeur qui règne dans la bergerie, propice à quelques heures de sommeil complémentaires.
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