HISTOIRE
PETITE LECON D’HISTOIRE POUR UN IGNARE QUI VOUDRAIT ÊTRE PRESIDENT
DEBAT EN DIAGONALE…

LE BREXIT : MAY VA ENTRER DANS LE « DUR »

Brexit 2

Les marchés ont encaissé sans broncher.

Theresa May a officiellement déclenché la procédure de séparation. Et ce qui frappe, c'est la façon dont les marchés ont totalement absorbé le choc du Brexit. Paradoxe et coïncidence, c'est le jour où la Grande-Bretagne se lance dans cette grande aventure que les indices boursiers affichent des niveaux qu'on n'avait pas vus depuis longtemps. Pourtant, c'est un événement majeur aussi bien  pour la Grande-Bretagne que pour l'Europe. Nous entrons dans une longue période de négociations dont l'issue est incertaine. Négociations entre la Grande-Bretagne et l'Union Européenne, d’abord, mais aussi négociations au sein même de la Grande-Bretagne comme l'illustre la demande officielle faite par le parlement écossais d'organiser un nouveau referendum sur l'indépendance.

Pour les marchés, rappelez-vous, il y a à peine dix-huit mois, l'éventualité du Brexit était considérée comme un « cygne noir », un de ces événements imprévisibles qui peuvent provoquer le chaos. Il n’en a rien été  la  semaine dernière. Tout d'abord parce que les investisseurs qui ont paniqué après le referendum se sont brûlés les doigts et l'ont payé très cher. Ensuite, parce pour l'instant, le Brexit n'ayant pas encore eu lieu, la Grande-Bretagne affiche une santé économique insolente illustrée par une croissance très élevée et le plein-emploi. Enfin, par le sentiment général sur les marchés que la « reflation », la sortie de la déflation et de la croissance zéro, est en marche et sera plus puissante que les aléas politiques qui peuvent frapper tel pays ou telle zone économique. C'est un paradoxe qui reste à vérifier.

Mère Thérésa a mangé son pain blanc.

Le gouvernement de Theresa May a voulu donner à sa décision historique toute la solennité et l’ampleur qu’elle méritait. Mais il a mangé son pain blanc. La gravité de la crise euro-britannique ne vient pas de l’hostilité de Londres à l’Union européenne mais de l’énorme tâche qui consiste à défaire des liens tissés pendant quarante-quatre ans. Si le Royaume-Uni n’avait jamais adhéré à l’UE, il se serait évité beaucoup des tourments à venir. Evidemment, les « 27 » ne sont pas immunisés contre un certain nombre d’effets économiques et commerciaux négatifs, mais, si l’on doit admettre que les négociations seront aussi compliquées pour les uns que pour les autres, on peut facilement imaginer que les conséquences subies par un seul pays seront sans commune mesure à celles qui en affecteront 27, où elle se seront amorties ou disséminées. L’Union n’est pas seulement un continent sans frontières, c’est un immense écheveau de milliers d’accords qu’il va falloir abolir. On n’a cessé de mettre l’accent sur les carences de la bureaucratie bruxelloise, sur son incapacité à comprendre les besoins populaires, sur son arrogance. Mais il se trouve que tout danger entraîne une réaction, parfois salutaire. La commission européenne mise au défi par une rupture inédite a déjà réagi à la fois d’une manière politique et comme un seul pays. C’est remarquable parce que le Brexit risquait d’encourager certains pays-membres comme la Pologne ou la Hongrie à prendre le large eux aussi. A la veille de l’activation de l’article 50 du traité européen, celui qui prévoit la sécession, les 27 se sont réunis pour réaffirmer leur appartenance à l’Union. Une sorte de pied de nez. Et franchement, à part les 52 % de Britanniques, quel pays raisonnable aurait envie de se lancer dans une telle mésaventure, avec la certitude d’une tâche à la  fois fastidieuse et inexorable, une multitude de complications administratives et de querelles en vue, et des résultats qui, finalement risquent de ne convaincre personne ? La fatigue aura tôt fait d’éroder l’ingéniosité des diplomates.

Un calcul politique.

Theresa May n’est pas à l’origine du Brexit et elle a même milité contre lui. Elle a simplement hérité de la situation que lui a léguée David Cameron qui, avec une désinvolture consternante, a pris le risque inouï de poser la question dans un référendum et s’en est allé sans s’émouvoir le  moins du monde de son immense erreur. La Première  Ministre a repris le flambeau avec une certaine gourmandise, comme en témoigne sa façon de faire du Brexit un événement inéluctable parce qu’il résulte de la volonté populaire. Dans sa démarche, il y a bien sûr un calcul. Elle a compris que en défendant bec et ongles la démocratie britannique, elle avait une très bonne chance de rester au pouvoir et d’assurer un nouveau mandat pour les Tories, actuellement bien plus populaires que les travaillistes, minés par les positions ineptes de Jeremy Corbyn. Elle a pris le temps de calculer les efforts herculéens à fournir, les dangers d’une rupture violente avec l’Europe, le risque d’une récession économique que les Britanniques ne supporteraient pas plus qu’ils n’ont supporté les amarres qui les liaient à l’Union. Simplement, craignons que l’expression très ferme de sa volonté n’aboutisse à une incompréhension réciproque des négociateurs. Ils ne sont pas en nombre suffisant du côté britannique et du côté de Bruxelles, ils sont tout autant déterminés à ne rien lâcher, sous  la conduite  d’un expert qui ne s’en laissera pas compter, Michel Barnier.

Une tâche fastidieuse.

L’avantage du Brexit, c’est que les négociations pour la séparation vont démontrer aisément que c’est une folie à éviter par tous les moyens. Hélas, la preuve sera fournie trop tard pour notre grand rendez-vous électoral. Il eût été très utile de laisser les électeurs de Marine Le Pen assister aux indescriptibles tractations entre Bruxelles et Londres. Pour bien comprendre,  prenons un exemple de complication : le cas de  Gibraltar. Le président du Conseil européen Donald Tusk a mis le feu aux poudres dans des relations anglo-espagnoles sur ce dossier en affirmant qu'après le Brexit « aucun accord entre l'UE et le Royaume-Uni ne pourra s'appliquer au territoire de Gibraltar sans un accord entre le Royaume d'Espagne et le Royaume-Uni », ce qui donnera de fait à Madrid un droit de veto sur le futur de la possession britannique. Theresa May a sèchement répondu qu'elle ne conclurait « jamais d'accord qui laisserait passer les habitants de Gibraltar sous une autre souveraineté sans leur volonté librement et démocratiquement exprimée ». Embarqué contre son gré dans l'aventure du Brexit, le territoire britannique  voit du coup se profiler deux gros risques économiques : celui d'être coupé de la ressource des 10.000 Espagnols qui passent chaque jour la frontière pour venir y travailler  et celui d'être brutalement privé d'un vaste marché de plus de 500 millions d'habitants, pour sa florissante industrie des services financiers notamment. En effet, si Gibraltar ne fait pas partie de l'union douanière européenne comme le Royaume-Uni, il bénéficie de l'accès au marché unique, de la liberté de mouvements de ses ressortissants, du fameux « passeport financier », et n'applique pas de TVA. Ce qui lui a permis de bâtir une solide économie sur quatre piliers : les services bancaires et financiers, le tourisme, les jeux en lignes, et le port. Aidés par un taux d'impôt sur les sociétés limité à 10 %, ce sont 18.000 entreprises qui ont été attirées sur son territoire, assurant un taux de croissance à deux chiffres même en pleine crise financière, un taux de chômage (2,5 %) qui frôle le plein-emploi et fait rêver son voisin espagnol. Ce statut offre aux habitants du Rocher un des PIB par tête les plus élevés au monde. Pas étonnant dans ces conditions que Gibraltar ait voté le 23 juin 2016 massivement à 96 %, contre une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce qui le conduit aujourd'hui à un spectaculaire grand écart : contrairement à l'Ecosse, Gibraltar souhaite également par-dessus tout rester rattaché au Royaume-Uni ... qui a quitté l'UE.

On peut souhaiter bon courage aux négociateurs. Parions que les Anglais ne tarderont pas à regretter le « cher continent » !

 

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