HISTOIRE
GAUCHE UTOPIQUE CONTRE GAUCHE REALISTE
ON NE NOUS DIT PAS TOUT

MACRON ET LE SYNDROME CHEVENEMENT.

Macron prophète

 

Ne vous laissez pas séduire par son âge, sa gueule de dandy et son story-telling de « réformateur au franc-parler ». Il façonne minutieusement l’image d’un homme politique « innovateur et audacieux » mais derrière se cache en réalité un cynique manipulateur. C’est le joueur de flûte de Hamelin qui envoûte pour mieux nous emmener au désastre. Plus possible d'ouvrir un journal ou d'allumer sa télé (surtout BFMTV) sans avoir droit à l'irrésistible ascension de Macron aussi belle que celle de Juppé élu président par la presse et les sondages avant même la primaire de la droite. Pour l’instant, sa démarche rencontre un indéniable succès … de curiosité pour le moins.  Inutile de nier un réel engouement autour de sa candidature. Et même, selon plusieurs sondages d'opinion, il se rapproche d'une qualification au second tour. Les conditions du déroulement de la primaire du PS ne sont pas faites pour lui mettre des bâtons dans les roues, même si à la sortie de l’exercice, il y aura bel et bien pléthore de candidats pour représenter la gauche et les écolos.

Aussi, le fondateur « d'En Marche » pourrait bien subir, 15 ans plus tard, le même sort que Jean-Pierre Chevènement, l'actuel président de la Fondation pour l'islam de France, candidat à la présidentielle de 2002. La posture de Jean-Pierre Chevènement, résolument ancrée dans l’héritage de la IIIe République, et fondée sur la souveraineté nationale et l’autorité de l’État, attirait des souverainistes de droite comme de gauche vers le Mouvement des Citoyens, devenu au fil des ralliements « Pôle républicain », pour la campagne. C’est ainsi qu’il était parvenu à attirer à lui aussi bien Lucie Aubrac, symbole de la Résistance, que de la famille de Pierre Poujade. L’équipe de campagne s’est alors trouvée très embarrassée par ce ralliement encombrant.

Un corpus idéologique volontairement ambigu.

De fait, le mouvement fondé par Emmanuel Macron suit la même voie que celui créé par Jean-Pierre Chevènement : à force de ralliements de personnalités de gauche et du centre, le mouvement En Marche se positionne de fait comme n’étant ni à droite ni à gauche, bien qu’il ait une tendance à pencher de plus en plus à gauche. Comme Chevènement, en surfant sur cette vague du ni gauche ni droite, Emmanuel Macron s’expose, dans les mois qui viennent, au risque de devoir assumer et concilier des ralliements aussi contre nature qu’inattendus.  D’autant plus que son socle idéologique est encore en construction, avec l’alternance de postures empruntées tantôt à la droite, tantôt à la gauche.

Le positionnement du mouvement « En Marche » est avant tout un choix de marketing : surfer sur la désorientation actuelle de l’opinion publique. C’est le premier danger encouru par la candidature d’Emmanuel Macron. Son positionnement, au lieu d’apparaître comme un signe d’unité nationale et de rassemblement, risque de donner une impression d’ambiguïté et de manque de clarté. Car, pour l’instant, son attrait semble encore ne porter que sur une personnalité et une espérance liées à son caractère juvénile. Ensuite, il  faut bien savoir que les institutions de la Ve République poussant au bipartisme, malgré la place croissante occupée par le Front National, permet difficilement l’émergence d’une force transpartisane.  Que fera-t-il si certains anciens du groupe Occident, en quête de renouvellement, rejoignent ses rangs, venant à cohabiter avec des gaullistes égarés, des centristes en mal de parti, et tous les socialistes orphelins suivant l’exemple de Bernard Kouchner ou les indications de Ségolène, qui auraient décidé de le soutenir également ?

Faiblesse du réseau d’élus.

La deuxième faiblesse de la candidature d’Emmanuel Macron, tout comme celle de Jean-Pierre Chevènement en 2002, tient à la minceur du réseau d’élus le soutenant. Alors que le fondateur du Mouvement des Citoyens pouvait déjà compter sur un groupe d’élus de son parti, tant au Parlement que dans les collectivités locales, le mouvement d’Emmanuel Macron est encore trop jeune pour pouvoir s’appuyer sur son propre réseau. C’est pourquoi il espère bien que certains élus en place, à l’instar de Gérard Collomb, maire de Lyon, migrent d’un parti pour rejoindre le sien, surtout à la faveur des déchirements de la primaire. Car faute d’élus, il peut difficilement compter sur des relais suffisants en régions pour porter son message. Bien que le MDC de Jean-Pierre Chevènement ait compté des élus locaux, ceux-ci n’étaient pas en nombre suffisant pour que la parole de leur candidat se diffuse partout. Pour Emmanuel Macron, dont le mouvement En Marche a été fondé en avril 2016, la faiblesse est encore plus criante. Reconnaissons en plus que les ralliements et migrations d’élus vers son mouvement sont complètement imprévisibles. Bien que l’étiquette du PS ne soit pas un gage de succès aux législatives, beaucoup de parlementaires socialistes auront besoin du financement de leur parti pour leur campagne en circonscription et donc hésiteront à franchir le Rubicon. Faute de compter sur des élus, « En Marche » aura beaucoup de mal à garantir à ceux qui l’auront rallié de pouvoir les aider à remporter les législatives. Ceci peut donc suffire à ce que les soutiens ne soient en fin de compte plus velléitaires que réels.

Un parti de CSP+ et d'intellectuels.

Enfin, tout comme la candidature de Jean-Pierre Chevènement en 2002, celle d’Emmanuel Macron souffre d’un cruel paradoxe. Les sondages révèlent un réel impact de son approche intellectuelle des enjeux et de sa capacité à les resituer dans un contexte plus général. S’il propose une vision de la société, dans le même temps, il lui est reproché de ne pas entrer dans le coeur des problèmes en ne fournissant pas de détail quant à la manière de faire. La conséquence de ce paradoxe fait qu’Emmanuel Macron attire tout particulièrement les catégories socioculturelles et socioprofessionnelles les plus élevées. Un bref examen de la composition de quelques fédérations rurales du mouvement « En Marche » met en lumière que les membres qui le rejoignent ont un niveau d’éducation élevé, un emploi stable de cadres du public ou du privé ou exercent une profession libérale. En revanche, les classes populaires sont très peu représentées, alors même qu’elles sont plus nombreuses dans la société que les classes moyennes supérieures.

Après l’obtention de 5,33% à la présidentielle de 2002, l’équipe de campagne de Jean-Pierre Chevènement, déplorait que le Pôle républicain ait été un mouvement d’intellectuels sans réelles troupes issues du corps social. Un sort qui pourrait bien être celui du mouvement qu’Emmanuel Macron a créé, compte tenu de sa structure, et malgré l’enthousiasme qu’il suscite aujourd’hui. L’ancien ministre reste électoralement très fragile, même s’il est crédité de sondages aussi encourageants que ceux de Jean-Pierre Chevènement en 2002. Ces sondages, comme pour le candidat du Pôle républicain, pourraient ne pas ne se transformer en voix dans les urnes.  On ne voit pas comment, en effet, il pourrait lever 9 millions d’euros pour les législatives après le financement de sa campagne présidentielle, ni comment il parviendrait à attirer à lui les classes populaires qui, soit ont déserté la politique, soit se sont jetées dans les bras de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen.  Enfin, il faudrait que la « Belle Alliance Populaire » se solde par un échec laissant un Parti socialiste en miettes. Sur ce point on aura la réponse dimanche prochain.

Voilà qui laisse encore du pain sur la  planche !

 

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