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ALAIN JUPPE : LE REVE EVANOUI

ALAIN-JUPPE-STRASBOURG

Le retour sur terre a été brutal pour celui que les sondages pendant plus de deux ans mettaient au zénith de la faveur des Français. Comment a-t-il  pu rater à ce point la réalisation de ce qui était pour lui une chance inespérée de parvenir au poste qui lui était promis naguère et auquel il avait dû renoncer face à l’adversité de courants contraires. La fondation de l’UMP n’avait-elle  pas été faite justement  pour lui servir de rampe de lancement ?

Ce retour en grâce était inespéré.

Alain Juppé s’est donc repris à rêver de la magistrature suprême quand un soir à des « Paroles et des  actes » il a fait un véritable carton. Il  avait conquis un auditoire qui lui avait permis de prendre une longueur d’avance dans la course. Avec habileté et un art consommé de la stratégie, il a réussi à tenir la tête très largement dans l’opinion publique. Il a semé son parcours de repères en formes de livres permettant d’affiner son approche des réformes et des projets qu’il souhaitait mettre en oeuvre. Il a choisi certainement après mûre réflexion et probablement aussi par sa perception de la réalité, un positionnement volontairement modéré sur beaucoup de sujets, qu’il s’agisse de l’Islam, de la réduction du nombre des fonctionnaires ou de la diminution de la dépense publique. Son concept de retour à « l’identité heureuse », en reprise inversée  de « l’identité malheureuse » constatée par Finkielkraut, paraissait même un objectif rassurant qui aurait dû plaire à une large majorité de Français.  Jusqu’au début de la  « Primaire » qu’il avait appelé de ses vœux, tout allait bien pour lui.

Une primaire « candidaticide »

C’était sans compter sur la campagne de la primaire de la droite et du centre. Aujourd’hui, on peut le dire, Alain Juppé n’a pas démérité : il a mené honnêtement campagne et a montré qu’il était à la hauteur dans les débats à la télévision. Pourtant le résultat a été sans appel. Alors que s’est-il  passé ? Le premier de la classe doit s’attendre à être la cible de tous les autres. Et cela n’a pas manqué de se produire. Dans la stratégie d’Alain Juppé il y avait deux failles qui pouvaient être exploitées pour le faire chuter : le soutien de Bayrou et l’appel aux électeurs de gauche, pudiquement nommés « déçus du hollandisme ». Il a sous-estimé l’impact qu’elles  pouvaient avoir sur le cœur de l’électorat de la droite. Il faut dire que le pilonnage de Nicolas Sarkozy sur ces deux thèmes a été violent. Le thème de « l’identité heureuse » habilement détourné a aussi servi de cheval de Troie pour faire exploser un axe de campagne majeur, trop intelligent sans doute ! Alain Juppé, c’est dans son caractère, s’est raidi sur ses choix, mais ce faisant, il a oublié de parler suffisamment au cœur de son électorat, pendant que Fillon et Sarkozy s’y employaient chacun à sa façon. De ce fait, ceux qui voulaient le faire passer pour un réformateur mou au positionnement trop conciliant sur les sujets chauds ont réussi, alors que dans son programme on trouve toutes les  mesures souhaitées et fermes aptes à combler un électeur de droite. Il n’a pas cherché suffisamment  à répondre aux attentes de la droite, s’adressant davantage au centre qui, on le sait, est un ventre mou. Et ses « attaques » sur la faisabilité du programme de ses adversaires, et notamment  des propositions de François Fillon, sont tombées à plat. Le débat de l’entre-deux tours a été significatif : techniquement les deux candidats ont fait jeu égal, pourtant les sondages des jours suivants ont désigné un vainqueur assez largement, François Fillon. C’est donc que son discours était plus attendu par l’auditoire (8 millions de personnes) que celui de son concurrent : autrement dit, c’est sur le contenu que ça s’est joué !

Les petits riens qui font perdre

Une défaite, c’est souvent aussi plein de petits riens qui s’accumulent. Si Alain Juppé n’a pas commis « la » faute  majeure, il a, ici et là, laissé passer des mots ou des gestes qui ont pu le desservir : les « 200 000 immigrés que la France peut accueillir chaque année sans que ce soit trop » (l’émission politique), c’est peut-être vrai mais pas à dire, l’écharpe rouge qu’il a arboré un temps de sa campagne alors que d’habitude il en porte une bleue, les expressions qui « datent » comme le « Prisunic » ou « j’ai la pêche ! ». Et c’est vrai, l’image compte, et dans les débats, il ne pouvait pas cacher son âge, et ça aussi a pu jouer, bien qu’aucun de ses concurrents n’ait osé l’attaquer là-dessus, sauf peut-être Bruno Le Maire, mais indirectement.

Une lame de fond

Le résultat, personne ne l’avait prévu. Sarkozy a peut-être tué Juppé, l’entraînant dans sa défaite, comme il a entrainé indirectement et par contre coup le retrait de François Hollande. L’élection était jouée dès le 1er tour en faveur de François Fillon, avec 44% des voix : le cœur de la droite a répondu avec une étonnante homogénéité. Là encore, Alain Juppé n’avait pas mesuré suffisamment ce ras-le-bol profond du pouvoir en place, au point que, pour nombre d’électrices et d’électeurs, tout ce qui peut apparaître comme composition avec les sortants est insupportable. Il a donc payé très cher ses appels au vote à un électorat extérieur à celui de  la droite et du centre. Celui-ci n’a en effet que partiellement répondu. La France s’est « droitisée » sous les excès doctrinaires de la gauche en place. La vague dont a bénéficié François Fillon et qui s’est exprimée par le vote n’est que la partie émergée de l’iceberg : elle aura un prolongement dans la vraie  présidentielle, nul ne doit en douter. On a observé un basculement du vote dans les communes rurales, là-même où le FN avait percé. L’attente d’une droite bien campée sur ses valeurs et les affirmant sereinement  est beaucoup  plus forte que les observateurs « bien intentionnés » ne le pensent. Il suffit de voir le subit tir de barrage et les tentatives pour effrayer les Français sur le programme de François Fillon depuis sa désignation. Les discours les plus violents venant du FN, justement. De fait Marine Le Pen a perdu en moyenne dix points dans les sondages. A gauche comme à l’extrême-droite, on se trompe de cible. La lame de fond est de nature identitaire plus que socio-économique : plus que les catholiques pratiquants, c’est la « culture chrétienne » qui se réveille à quoi s’ajoute l’envie de vérité, de dignité et d’honnêteté, François Fillon cochant toutes les  cases de ces critères.

Je comprends l’amertume que peut ressentir Alain Juppé. Je n’ai pas voté pour lui, mais j’aurais pu. Je n’ai pas non plus aimé les attaques ignominieuses dont il a été l’objet de la part de petits clans pratiquant plus la calomnie et la désinformation que l’argumentation. Je lui pardonne la réaction agressive à l’égard de son concurrent au début de la semaine du 2ème tour, d’ailleurs  il l’a certainement payée dans les urnes. Le destin est ainsi. Il avait de bonnes raisons d’y croire, mais son programme trop raisonnable n’était pas dans l’atmosphère du moment. La chute n’en est que plus dure. Cependant, son devoir c’est de faire contre mauvaise fortune bon cœur, dès lors que l’élection a été loyale. On a besoin de lui pour gagner en 2017. Son devoir est de faire campagne. Je ne doute pas, que la déception digérée, il joue le rôle qui convient à un homme d’Etat de premier plan, ce qu’il est et reste !  

 

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