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Colonnes infernales001

 

LES COLONNES INFERNALES DE TURREAU

Mes lectures d’été vont vous paraître bien studieuses. Deux raisons m’ont amené à lire ce livre. D’abord, le prof d’histoire qui reste éveillé et qu’un ouvrage sur le drame vendéen ne pouvait qu’intéresser, ensuite il se trouve qu’il a été écrit par une excellente amie, Anne Rolland, dont j’admire la vivacité intellectuelle. En prime, il m’intéressait de savoir ce qu’il en avait été exactement de cet épisode de l’histoire de la Révolution française, notamment au moment de la Terreur, moi qui ai toujours eu le sentiment d’enseigner une version un peu trop officielle de la répression républicaine en Vendée. Evidemment, ce livre est un peu « documenté » et s’adresse aux férus d’histoire, bien qu’il soit parfaitement accessible et très bien écrit. Mais c’est avant tout un état des lieux sur les recherches d’une historienne rigoureuse.

La question principale que je me posais et à laquelle j’étais incapable de répondre était : « Y a-t-il vraiment eu une tentative de génocide de la population vendéenne ? »

C’est aussi l’une des préoccupations de l’auteure. Mais c’est aussi une vendéenne dans l’âme. Ses recherches vont-elles être partiales ? La réserve tombe tout de suite : nous sommes en face d’un travail parfaitement honnête et sans parti-pris, entièrement fondé sur des documents eux-mêmes indiscutables. La rigueur fait partie de la méthode, on n’y déroge pas pour se faire plaisir. L’intérêt de cet ouvrage réside aussi dans le tableau très fouillé qu’il dresse d’une époque, de ses acteurs locaux ou nationaux, des conditions matérielles, de la réalité d’un pouvoir politique encore instable… et qui permet de mieux comprendre ou d’approcher ce qui s’est réellement passé.

Anne Rolland passe en revue les multiples aspects de cette guerre civile, car c’en est une : qui sont les soldats de la Terreur, avec leur mentalité, leurs représentations mentales, leurs peurs, leurs difficultés, leurs conditions de vie souvent épouvantables ; pourquoi les « colonnes » imaginées par Turreau, qui vont conduire à un paroxysme de violence, n’ont jamais réellement rempli leur objectif ; combien y a-t-il eu exactement de « colonnes » et quels contingents elles ont mobilisé ; comment on compte les morts (ou pas) et on rend des comptes avec les exagérations et les approximations d’officiers au gré des besoins politiques ou militaires de leur commandement.

Elle analyse avec minutie le système des colonnes à travers les stratégies militaires et le « plan Turreau » pour observer son application dans la réalité, la réalité de l’armée républicaine, souvent sans uniforme, mal armée, aux effectifs souvent fantaisistes. Le « théâtre vendéen » lui-même présente un décor de « mauvais chemins », un labyrinthe où se perdent les troupes, propice à la guerrilla, bref une sale guerre qui génère tout un cortège de tueries, de massacres de part et d’autre.

Elle nous présente aussi les hommes, ces généraux de l’armée de l’Ouest, l’aventure que celle-ci peut représenter pour eux, entre goût de la guerre et choix politiques, les querelles qui les divisent, les rapports d’autorité entre eux et avec le pouvoir central, la place qu’occupe Turreau qui a laissé son nom aux « colonnes » pour l’Histoire. Ils commandent une armée de « nu-pieds », mal nourrie, manquant en permanence de munitions, confrontée à de redoutables difficultés de logistique. On découvre que la guerre qui est menée est encore une guerre archaïque, avec une armée manquant de pain et obligée de vivre sur le « terrain » à l’ancienne en se livrant au pillage, et dont l’image de bravoure et de discipline qu’on veut en donner est souvent à cent lieues de ce qui se passe. Elle est confrontée à une « armée vendéenne » divisée par les rivalités de ses chefs, instable en nombre, qui opère par coups de mains, et qui n’arrive pas à prendre le dessus non plus.

Au final, il n’y a pas eu de « génocide », au sens d’une volonté affirmée d’exterminer une population par des moyens concordants et constants. Par contre, il y a bien eu des massacres et des tueries, des villages brûlés, et des accès de violence inouïe. C’est le type même de la « sale guerre ». Comme conclut Anne Rolland, « la Vendée militaire au temps des colonnes permet une histoire en creux de l’Etat révolutionnaire sous la Terreur, confronté à une insurrection populaire dont le sens et la maîtrise lui échappent durant de longs mois ». Les colonnes apparaissent comme « un système de guerre dans l’impasse, f    aute d’un Etat fort, d’une stratégie claire et d’une politique cohérente à Paris comme en province. » Et Turreau apparait pour ce qu’il est : plus qu’un militaire, avant tout un politique et d’ailleurs il sera peu souvent sur le terrain. Ce qui fait la particularité du conflit vendéen tient dans la part importante de l’idéologie et la diabolisation de l’ennemi qui conduit à l’extrême violence contre les populations civiles où soldats et non-combattants ne sont plus distingués. La « Vendée militaire » est bien une guerre civile. Elle n’a pas fait les 300 000 morts généralement avancés par les Vendéens mais plus probablement 150 000 victimes. Et c’est encore beaucoup.

Au demeurant, un livre technique mais qui sait rester passionnant. Les nombreux angles d’analyse en font tout l’intérêt par les recoupements qu’ils permettent, le tout à partir des documents d’archives existants.

Avis aux amateurs d’histoire avec un « H ».

Anne Rolland-Boulestreau – Les colonnes infernales (Violence et guerre civile en Vendée militaire, 1794-1795) – Fayard Histoire.

Anne Rolland est maitre de conférence à l’Université catholique de l’Ouest.

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