HISTOIRE
SI J’ETAIS PRESIDENT (2)
ARCHIBALD SE DECHAINE !

CREDIT OU CAVALERIE ?

 

Contribuable détroussé
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Vous me direz, c’est typiquement français. La prise de conscience du gouvernement de la nécessité de redonner de la compétitivité à nos entreprises s’est traduite par la mise en place d’un « crédit d’impôt », à défaut d’avoir fait le choix d’un allégement franc et massif des cotisations patronales, comme le préconisait le rapport Gallois. Il reconnait aussi la responsabilité de l’excès de dépense publique puisqu’il compte financer les 20 milliards d’euros à hauteur de 10 milliards par des économies de l’Etat.

Ainsi, pour les entreprises, ce début de quinquennat se solde par environ 10 milliards de prélèvements supplémentaires « en régime de croisière » (près du double en 2012 et 2013, compte tenu des taxes exceptionnelles et mesures de trésorerie) et un crédit d’impôt compétitivité (Cice) évalué à 20 milliards d’euros. Concrètement, le ballon d’oxygène qui leur est promis, se traduira par un crédit équivalent à 4% de la masse salariale de l’entreprise jusqu’à 2,5 SMIC, au titre de l’année 2013, puis de 6% à partir de 2014. Sur le modèle du crédit impôt recherche, le remboursement sera différé jusqu’à trois ans.

Mais est-ce bien 20 milliards ? N’est-ce pas plutôt trente ? ou dix ? ou zéro ? Autant de chiffres exacts selon les moments et points de vue.

Première interrogation : vingt ou trente, au regard de l’effet bénéfique du Cice comparé à une baisse de charges sociales.

En effet, une diminution de charges augmente le bénéfice imposable et donc l’impôt sur les sociétés. Or, le Cice intervient après impôt. Vingt milliards de Cice correspondent, abstraction faite des entreprises déficitaires, à 30 milliards de baisses de charges.

Autre question : vingt, ou dix, ou zéro ; elle se pose si l’on considère l’avantage que procure le Cice aux entreprises et le coût qu’il engendre pour l’Etat.

En effet, les entreprises comptabilisent leurs créances, même non payées. Elles vont donc faire de même avec le Cice dans les bilans clos à partir du 31 décembre 2013. L’Etat, pour sa part, garde une comptabilité de caisse. Or, le Cice d’une année est payable en espèces dès l’année suivante pour les PME, mais, pour les grandes entreprises, il ne peut que s’imputer sur l’impôt sur les bénéfices et n’est remboursable qu’au bout de trois ans. Les entreprises qui ne clôturent pas au 31 décembre n’auront pas une année pleine de Cice en 2013. Les crédits constatés devraient, selon le rapporteur du Sénat, s’élever à 13 milliards en 2013 et vingt en 2014.

L’Etat, lui, ne décaissera rien en 2013 et devrait débourser 10 milliards en 2014, le coût se stabilisant à un peu plus de 20 milliards à partir de 2017. Comme la hausse de TVA s’appliquera dès 2014, l’essentiel du financement par baisse des dépenses est repoussé en fin de période.

Notons au passage qu’une majorité des dirigeants de PME n’envisagent pas d’utiliser le crédit d’impôt en raison des nombreuses incertitudes qui planent sur le dispositif, notamment les contreparties qui ne seront pas connues avant le courant de l’année 2013. De plus, les entreprises industrielles confrontées à la concurrence internationale et qui auraient le plus besoin de cet effort de compétitivité en jouiront peu, puisque le salaire moyen brut à temps complet de l’industrie est de deux fois le SMIC, donc souvent au-dessus du plafond des 2,5. Le dispositif bénéficiera pour l’essentiel aux secteurs protégés de l’économie, distribution, restauration, bâtiments, qui sont les secteurs qui bénéficient déjà des allégements de charges sur les bas salaires… Allez comprendre ?

Un paiement différé pour l’Etat qui fait de la cavalerie.

C’est ce qui a permis à Michel Sapin de déclarer, ce qui a surpris voire inquiété, qu’il finançait ses contrats de génération sur les 20 milliards du pacte de compétitivité. Effectivement, c’est possible… au moins jusqu’en 2017 ! Autrement dit, c’est du jonglage. Il utilise les recettes de TVA avant qu’elles ne servent au Cice. Mais il faudra bien rembourser les banques qui auront avancé l’argent en 2013 et 2014. Autrement dit, on lance les billets en l’air et on fait tourner la machine. En comptabilité, on appelle ça de la cavalerie !

Le coût exact estimé de ce dispositif sera de 22 milliards d’euros d’exonérations annuelles, un coût exorbitant pour les finances de l’Etat, pour un résultat limité. Sans parler de la complexité du mécanisme sur les plans administratif et juridique. Le choc de compétitivité se fera en grande partie sans les PME et perpétue le non-sens économique du transfert financier des secteurs en concurrence vers les secteurs protégés.

Un allégement biaisé trop insuffisant pour être significatif.

La technique du crédit d’impôt se révèle  triplement habile : politiquement, elle évite de parler de financement de la protection sociale ; techniquement, elle évite d’inventer des cotisations sociales négatives (pour les bas salaires, il n’y a pas assez de cotisations employeur pour absorber 30 milliards) ; et au plan budgétaire, elle donne une bouffée d’oxygène dans l’attente de la reprise économique, qui rendrait plus facile une diminution des dépenses. Une habileté qui voulait éviter la colère de la gauche de la gauche et celle des syndicats qui détestent les « cadeaux aux patrons » et qui auraient vu rouge avec une baisse des charges patronales. Une habileté qui ne dispense pas non plus du caractère inéluctable de la baisse des dépenses publiques dont on ne sait toujours rien et pour lesquelles on lance des « audits » pour faire sérieux.

Enfin il est naïf de croire que cet allégement soit de nature à ressusciter miraculeusement la « croissance » car le gain en terme de coût du travail sera très faible : 20 milliards sur les 1200 milliards de la masse salariale française ! C’est donc une opération poudre aux yeux.

Il est à craindre que le dispositif ne soigne pas non plus le vrai problème de notre pays qui est la destruction à l’intérieur par la fiscalité des incitations productives.

 

Commentaires

Deres

Il faut quand même noter que cette cavalerie comptable n'est pas gratuite même si elle n'augmente pas la dette publique les premières années ... Contrairement à une baisse de charge pérenne, elle passe par des emprunts aux banques à la charge des entreprises. 3% d'intérêt sur 20 milliards annuels, cela fait quand même 600 millions d'euros d'intérêts empochés par les banques tous les ans sans risque dans cet histoire ... Une bonne affaire pour elles. Pas pour le pays qui se retrouve avec une charge financière annuelle supplémentaire. Je ne parle pas non plus du risque de redressement en cas de mauvaise évaluation de la masse salariale et de sa part en dessous de 2.5 SMIC sachant que ce montant est également variable. Soit dit en passant, cela créé un nouveau seuil magique de salaire à ne pas dépasser ... On va bientôt voir apparaître une nouvelle bosse dans la répartition des salaires avant 2.5 SMIC ...

Vérifiez votre commentaire

Aperçu de votre commentaire

Ceci est un essai. Votre commentaire n'a pas encore été déposé.

En cours...
Votre commentaire n'a pas été déposé. Type d'erreur:
Votre commentaire a été enregistré. Poster un autre commentaire

Le code de confirmation que vous avez saisi ne correspond pas. Merci de recommencer.

Pour poster votre commentaire l'étape finale consiste à saisir exactement les lettres et chiffres que vous voyez sur l'image ci-dessous. Ceci permet de lutter contre les spams automatisés.

Difficile à lire? Voir un autre code.

En cours...

Poster un commentaire

Vos informations

(Le nom et l'adresse email sont obligatoires. L'adresse email ne sera pas affichée avec le commentaire.)