HISTOIRE
LES COUTEAUX SONT SORTIS....
LES ESCROCS DE 68

MAI 2008

Le mois va se terminer. Pour ceux qui attendaient un grand cru de contestation, en rappelant à fortes doses le souvenir de 1968, en seront pour leurs frais....comme le temps. Les cortèges s'étiolent à mesure que le mois avance, les syndicats manifestent en sachant que le gouvernement ne cédera pas et malgré les "cocoricos" sur la mobilisation, tout le monde sait bien qu'on est loin du compte, le nombre des manifestants étant plus proche du décompte de la police que de celui des organisateurs. L'histoire ne se répète pas. Le contexte n'y est pas, les syndiqués non plus. Il faut dire que depuis 40 ans, les effectifs ont fondu et hormis les "masses mobilisables" de la fonction publique, il n'y a plus grand monde à battre le pavé.

Mon mai 1968 fut un mois dont je ne garde pas un souvenir glorieux. Jeune prof' en poste dans la banlieue rouge de Paris, je n'eus guère le choix que de faire grève, tant la pression fut forte dans l'établissement. Participer, c'était autre chose. Ce n'était pas mes convictions. Issu d'une famille gaulliste, je dus faire le dos rond et prendre mon mal en patience. J'étrennais ma caméra super 8 "Bell et Howell" et je passais donc mon temps à filmer les interminables files de voitures qui faisaient la queue pour atteindre une lointaine station service afin d'obtenir quelques litres d'essence, et que les conducteurs poussaient à la main pour économiser le carburant. Je retiens aussi le système débrouille. J'avais un copain dont le père était boulanger. Avec sa camionnette il allait dans les stations services remplir son réservoir en tant que "prioritaire" pour livrer le pain : c'était l'opération "fourchette". Et nous transvasions ensuite dans l'arrière cour de la boulangerie le précieux liquide d'un réservoir à l'autre. J'ai donc pu circuler sans souci pendant tout le temps de la grève. Il faisait beau. Quand les accords de Grenelle ont été signé, ce fut le soulagement. Les jours de grèves étaient payés : ouf ! Et on eut une belle augmentation de salaire... que l'inflation allait reprendre rapidement ! 

Ce que j'en retiens, c'est que beaucoup de choses ont changé dans l'enseignement. A commencer par la "gémination" des classes. Plus d'écoles de filles et de garçons, mais des écoles et des collèges mixtes. La suite, je ne l'ai connue en France que longtemps après. En effet, en septembre 1968, je partis pour le Maroc faire mon service militaire comme coopérant dans le cadre du "Volontariat du Service National Actif". Après mes deux années, j'ai rempilé et l'entracte a duré six ans. Quand je suis revenu en France, j'ai obtenu ma mutation en Anjou, bien loin de la Seine-Saint-Denis. Mais j'avais demandé et obtenu d'enseigner dans un collège expérimental. J'arrivai donc à la Roseraie à Angers, pensant y rester trois ou quatre ans. J'y suis resté jusqu'à ma retraite..... Le temps de faire de la pédagogie soixante-huitarde avant de revenir peu ou prou à des méthodes plus "classiques". Mais la relation prof-élève avait définitivement changé dans le sens d'une plus grande proximité avec les élèves. Et ça, c'était plutôt un progrès.

Pour revenir aux événements, je les suivais autant que faire se peut, l'oreille collée à mon transistor. Inquiet des manoeuvres de la gauche, angoissé au moment de Charléty et soulagé quand il y eut eu la grande manifestation pour soutenir De Gaulle sur les Champs Elysées bien que je n'ai pas su qu'elle allait avoir lieu.

Mais 1968, ça a été aussi le "printemps de Prague". Et quelques convulsions à travers le monde. Alors qu'en Techcoslovaquie on se battait pour se délivrer de l'oppression rouge, en France, les jeunes se révoltaient en brandissant le même drapeau, quand il n'était pas noir. Allez comprendre ! De même qu'aujourd'hui ceux qui encensent Chavez sont dans la même lignée, Besancenot ou altermondialistes, et ne se préoccupent guère des jeunes qui le contestent dans son pays : ils n'ont pourtant rien de "facistes".

Il y avait en 1968 une forte aspiration à plus de libertés, ça c'est vrai. Et je ne résiste pas au plaisir de vous livrer ce passage d'un discours célèbre prononcé en mai, en France :

" Tout le monde comprend, évidemment, quelle est la portée des actuels événements universitaires, puis sociaux. On y voit tous les signes qui démontrent la nécessité d'une mutation de notre société, et tout indique que cette mutation doit comporter une participation plus étendue de chacun à la marche et aux résultats de l'activité qui le concerne directement.

… Il y a, sans nul doute, à modifier des structures, c'est-à-dire à réformer. Car si, dans l'immense transformation politique, économique et sociale qu'accomplit la France en notre temps, beaucoup d'obstacles intérieurs et extérieurs ont déjà été franchis, d'autres s'opposent encore au progrès. De là, des troubles profonds, surtout dans la jeunesse, qui est soucieuse de son propre rôle et que l'avenir inquiète trop souvent.

… Reconstruire l'Université en fonction non pas de ses séculaires habitudes, mais des besoins réels de l'évolution du pays et des débouchés effectifs de la jeunesse étudiante dans la société moderne.

Adapter notre économie non pas à telles ou telles catégories d'intérêts particuliers, mais aux nécessités nationales et internationales du présent, en améliorant les conditions de vie et de travail du personnel des services publics et des entreprises, en organisant sa participation aux responsabilités professionnelles, en développant la formation des jeunes, en assurant leur emploi, en mettant en oeuvre les activités industrielles et agricoles dans le cadre de nos régions.

Tel est le but que la nation tout entière doit se fixer à elle-même.

…J'entreprendrai, avec les pouvoirs publics et, je l'espère, le concours de tous ceux qui veulent servir l'intérêt commun, de faire changer, partout où il le faut, des structures étroites et périmées, et ouvrir plus largement la route au sang nouveau de la France."

Mitterrand à Charléty ? Non ! DE GAULLE, évidemment. Mais les changements qu'il annonçait, les Français les lui ont refusés l'année suivante en 1969, après lui avoir donné une majorité écrasante en juin 1968.....

Les Français n'ont pas changé !

                                                                                       

                         

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